J’ai choisi de (re)publier ici, tel quel, ce témoignage rédigé en mai 2019 pour le compte Instagram le Cercle, tenu par Eugénie. Ce texte a ensuite été publié sur le site d’Aurélie Mon arbre pour la vie. Ce texte va servir de prologue à d’autres textes que j’ai choisi de publier sur mon 2e parcours FIV. En effet, nous avons pris la décision de nous relancer dans cette aventure… affaire à suivre !
Pour nous la PMA est derrière. Mais je voudrais apporter ici un témoignage un peu différent de celui vécu par les femmes en France.
J’habite en Suisse, pays longtemps arriéré en matière de PMA et surtout où la santé est un luxe. L’assurance maladie est privée, chacun s’assure donc en fonction de ses moyens (il y a un système de franchises, et les primes mensuelles ne sont pas proportionnelles aux revenus). A l’époque où nous sommes entrés en PMA je venais de commencer un nouveau travail salarié, à temps partiel (avant j’étais indépendante). Je gagnais mieux, mais pas des masses pour le pays où j’habite. Même constat pour mon chéri. Néanmoins, pour que les rendez-vous avec le spécialiste soient remboursés j’ai baissé ma franchise.
Faire le choix de la PMA, c’était donc en plus de l’investissement humain (physique, émotionnel), de temps etc … un investissement financier sans garantie. J’ai souvent trouvé injuste d’ajouter ce poids pour avoir un enfant, en plus de tout le reste.
En janvier 2016, après 3 ans d’attente, des examens standard qui n’avaient rien détecté comme anomalie, nous sommes allés consulter un spécialiste. Un personnage orgueilleux au possible, mais soit, s’il était compétent pourquoi pas.
Très vite, il souhaite me faire une laparoscopie afin de mettre de côté l’endométriose, dont je n’avais par ailleurs aucun symptôme. Anesthésie générale.
Ensuite, puisque je n’avais rien, 1ere puis 2e insémination. Là, on nous dit qu’il ne faut pas faire la 3e tout de suite sinon l’assurance ne voudra plus rien rembourser (j’entends par là les rendez-vous chez le spécialiste).
Ah oui, je ne vous ai pas dit, mais en Suisse on a droit à 3 inséminations remboursées et puis…. c’est tout. Oui vous avez bien lu, les FIV ne sont pas prises en charge. Car même si l’infertilité est reconnue comme une maladie, la FIV elle n’est pas considérée comme un traitement efficace. Donc si vous voulez faire une FIV vous pouvez vendre un rein ! Car ça coute entre CHF 6’000.- (5’200.- €) minimum à l’hôpital public, et CHF 15’000.- en libéral. Nous, ça nous a couté dans les CHF 12’000.-.
Finalement en août 2016, on s’est décidé pour une FIV car ça faisait déjà 3 ans que nous étions dans l’attente d’une grossesse. Notre gynécologue a préféré que je fasse une stimulation légère et j’ai donc eu seulement 7 ovocytes matures. Prélèvement, 2e anesthésie générale. Au labo, sans nous demander ils font une ICSI (cela n’avait pas été évoqué), résultat pas si mauvais de 4 embryons (zygotes). Donc en gros 2 fois 2 embryons à transférer car on ne pouvait pas en vitrifier plus que 2. Oui c’était les lois suisses de l’époque.
Le jour du 1er transfert au réveil de l’anesthésie, le docteur me dit que mon taux de progestérone est très haut, que ça diminue les chances de succès. Mais il me laisse décider. Heu oui ? Hum je ne sais pas ? C’est vous le spécialiste ? Non ? Si ?
Finalement, je décide de procéder au transfert car on nous avait dit que ça marchait mieux avec des embryons « frais ». Hélas, ça n’a pas marché… et je n’ai plus eu mes menstruations pendant 3 mois.
Février 2017, 2e transfert… échec. Mars 2017, je décide que ça suffit. Je suis au bord de la dépression, 4 ans d’attentes déçues, je n’en peux plus, je me suis perdue… ma vie ne plus tourne qu’autour de ce projet, c’est limite obsessionnel (et je ne suis pas comme ça, « normalement ».) Pendant plus d’un an, j’ai eu des rendez-vous chez le spécialiste quasi chaque semaine. Tous mes (nombreux) projets perso ont été mis entre parenthèse car j’avais juste la force d’assumer mon job.
La PMA c’est donc de l’énergie mobilisée, focalisée, dépensée et ce, sur tous les plans. Et l’argent c’est aussi une forme d’énergie, encore plus lorsque qu’on l’obtient à la sueur de notre front.
Ce qui m’a permis de garder la tête hors de l’eau, pendant ces 4 ans c’est aussi l’énergie. L’énergie donnée par mes proches, mon énergie que j’essayais de comprendre grâce aux nombreuses thérapies alternatives (acupuncture (MTC), naturopathie, hypnose, massage essénien, drainage lymphatique, shiatsu, magnétisme, chamanisme etc…), l’énergie du yoga qui me permettait de me ressourcer. Car on ne peut entreprendre et survivre à un tel parcours, si on ne se préoccupe pas de l’énergie.
Pour donner la vie, il faut de l’énergie.
Il faut aussi parfois accepter que c’est assez. Qu’on ne peut plus rien donner en retour. La transaction est trop lourde. Je me demande si j’avais eu la possibilité d’enchainer les FIV comme en France si je l’aurais fait ou non… De savoir que j’avais une seule chance a sans doute changé la donne.
Nous sommes en mai 2019, je ne suis toujours pas tombée enceinte, mais ces deux dernières années m’ont permis de me retrouver, de redonner un sens à ma vie. Je ne me suis jamais sentie aussi bien, tout ça n’a donc pas été pour rien.
Je suis sortie de ma zone de confort, j’ai été obligée d’évoluer, des me poser des questions sur mon identité, sur mes choix, pourquoi voulais-je des enfants, affronter mes peurs et limitations, savoir d’où je venais, me positionner pour ne plus subir. Bref, j’ai fait un travail énorme que je revendique.
Je commence à envisager que je n’aurais jamais d’enfant.
J’espère tout de même que la vie nous offrira ce présent magnifique de devenir parents.
Peut-être que d’ici 1 ou 2 ans retenterons-nous la PMA, à l’étranger ou en Suisse pour bénéficier de lois et de techniques plus avancées.
Mais j’ai appris que tout n’apparait pas forcément juste ou logique comme on nous l’apprend. Il y a des choses qui nous dépassent. C’est comme ça, il faut l’accepter pour rester dans le flot de la vie.
J’ai pu réaliser que pour moi le désir de devenir mère était au moins aussi un grand que celui de grandir, d’évoluer spirituellement, humainement. Et l’infertilité m’a offert tout ça. Alors oui, même si tu est parfois dure, MERCI la vie.